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L'Argonne, région entièrement couverte
par la forêt, présente dans sa partie orientale une série
de hauteurs dominant la vallée de l'Aire, face à Vauquois,
dont les plus importantes sont du nord au sud, la cote 263 et la cote
285, point culminant du massif. A leur pied, du côté de l'ouest,
la route forestière dite de la Haute-Chevauchée, ancienne
voie romaine, la parcourt dans une grandepartie de sa longueur. Cette
chaîne est coupée obliquement par une autre qui s'articule
sur elle à la cote 285 et qui, dirigée vers l'ouest, est
formée par la Fille-Morte et la croupe de Bolante.
Cet ensemble de sommets qui surplombent tout le sud-est
de l'Argonne présente une importance militaire considérable.
DEFENSE DE LA COTE 263
(du 10 janvier au 20 juillet 1915)
A la fin de 1914, les lignes adverses sont à peu
près fixées, mais les 8,9 et 10 janvier, les Allemands procèdent
à une puissante attaque qui les faitr progresser au sud du sommet
de la cote 263 qu'ils occupent déjà. De cet observatoire,
ils règlent le tir de batteries à longue portée qui
coupent journellement, à Aubréville, la voie ferrée
de Sainte-Ménéhould à Verdun, la seule qui desserve
encore cette place forte. Aussi, est-il à présumer que,
pour consolider leurs positions, ils vont chercher à s'emparer,
par la suite, des tranchées françaises établies sur
la croupe même et peut-être de la cote 285 devant laquelle
se sont brisés leurs assauts.
La défense de la cote 263 est assurée par
la 9ème Division d'Infanterie du 5ème Corps d'Armée,
auprès de laquelle la compagnie 5/4 du 1er régiment du Génie,
"compagnie de corps", est détachée sous mon commandement.
Elle repose principalement jusqu'au 13 juillet sur la guerre de mines,
entre-coupée par une série d'attaques d'infanterie: attaque
allemande du 16 février qui nous fait perdre un petit élément
de tranchée ; attaque française des 17 et 18 février,
28 février et 1er mars, 14 et 15 mars, 4, 5 et 6 avril, toutes
vouéesà l'insuccès et marquées par des pertes
très importantes.
Nous avons en face de nous des unités du XVIème
Corps d'Armée qui, avant la guerre, tenait garnison à Metz,
place où se forment traditionnellement les mineurs. Celui-ci est
commandé par le général Von Mudra, issu du Corps
des pionniers (correspondant en l'espèce à nos sapeurs mineurs).
Cette présence indique nettement que les Allemands projettent de
s'emparer des hauteurs de l'Argonne orientale par les procédés
de la guerre de siège. C'est pourquoi je suis résolu à
prendre les devants.
Notre première ligne, de 1500 mètres environ
de contour, est implantée en travers de la croupe d'est en ouest
sur une longueur de 400 mètres, un peu en arrière d'un petit
col. Cette partie centrale se prolonge en retour d'équerre par
deux branches inégales surplombant, celle de l'est, sur 100 mètres
environ, le ravin de Cheppe, celle de l'ouest, sur à peu près
400 mètres, le ravin d'Osson. La première de ces branches
est flanquée, sur sa droite, par une ligne de tranchées
barrant le ravin, la seconde se raccorde d'une façon continue aux
défenses situées au nord de la cote 285, jusqu'à
la Haute Chevauchée. Notre ligne est enveloppée au nord
et à l'ouest par la ligne allemande qui présente près
de l'extrémité nord-est de la nôtre, à vingt
mètres environ de notre première tranchée, un saillant
d'une quarantaine de mètres de longueur, flanqué de deux
petits postes dont les mitrailleuses prennent d'enfilade le devant de
notre ligne
NOTRE ATTAQUE SURPRISE (5-13 Février 1915)
Pour engager le combat, je me propose de faire sauter
cet ensemble et, à cet effet, je dirige contre lui trois sapes
russes (n°1,2,3) (galeries peu profondes qui, n'étant pas boisées,
peuvent progresser relativement vite dans un sol résistant) de
0,80m x 1,20m (le premier nombre indique la largeur, le second la hauteur),
la dernière comportant deux branches en forme d'Y.
J'atteins pleinement mon but, en faisant exploser, les
5, 11 et 13 février, quatre fourneaux de mine, chargés chacun
de 75kg de cheddite sous une ligne de moindre résistance (distance
du centre de gravité de la charge au sol), de 3 mètres ou
de 3m50. La surprise paraît avoir été complète
chez les Allemands qui n'ont pas réagi.
ECHEC DE L'ATTAQUE ALLEMANDE TENTEE PAR LES PROCEDES
DE LA GUERRE DE SIEGE (10 janvier - 21 mai 1915)
Pendant ce temps, les pionniers préparent méthodiquement
le siège de notre position. J'en ai la révélation
dès le milieu de janvier, en voyant apparaître sur notre
flanc ouest, dissimulées sous les fougères et les branches
cassées, trois têtes de sape à ciel ouvert (communication
qu'on creuse en l'attaquant par son extrémité), s'avançant
vers nous, en partant de leur tranchée située en bas de
la pente du ravin d'Osson, à une distance de 70 à 80 mètres
de la nôtre.
Suivant les méthodes en usage dans la guerre de
siège, ils ont, sans aucun doute, l'intention d'établir
à proximité de notre ligne une tranchée, dite "parallèle
de départ", d'où ils lanceront contre elle des galeries
de mines destinées à y produire, au moment voulu, une large
brèche par laquelle s'engouffreraient leurs troupes d'assaut. Ils
ont choisi pour cela un endroit où la pente du ravin est douce,
dans la partie la plus étranglée de notre position qu'ils
se proposent, vraisemblablement, d'envelopper.
Pour y parer, je décide de diriger contre ces
têtes de sape, quatre galeries boisées de 0,80 x 1,20m (B1,
B2, B3, B4) qui déboucheront du fond du puits de 0,80 x 0,80m de
dimensions horizontales, de 1,50m de profondeur et qui se termineront
par des rameaux de combat, type hollandais de 0,80 x 0,80m ( le rameau
de combat réglementaire, de 0,65 x 0,80m est vraiment trop étroit.
Aussi je l'ai remplacé, autant que possible, par le rameau hollandais
plus large), aux extrémités desquels on creusera les chambres
de mine.
La première rencontre a lieu le 10 mars, par l'explosion
d'un camouflet allemand (fourneau qui ne produit pas d'entonnoir, c'est
à dire d'excavation à la surface du sol) dirigé contre
la galerie B1 qui atteint à ce moment 27 mètres de longueur.
Elle est endommagée sur 15 mètres environ, mais aucun de
nos mineurs n'a été touché
Le 12, les pionniers sont tellement près de la
galerie B2, longue de 25 mètres, qu'on les entend parler. J'y fais
charger sous 3 mètres de ligne de moindre résistance (l.m.r.),
un fourneau de 90 kg de cheddite qui explosera seulement le 14, pour appuyer
l'attaque de notre infanterie déclanchée sur notre droite.
Il se forme un entonnoir de 8 mètres de diamètre dont nos
fantassins occupent la lèvre (bord de l'entonnoir, en saillie sur
le sol), après l'avoir atteinte, prudemment, pied à pied,
en sape. Les travaux ayant repris dans la galerie B2 qui vait besoin d'être
réparée après notre explosion, ils sont interrompus,
le 22, pendant plusieurs heures, à la suite d'un jet de bombes
ennemies dont les gaz l'ont envahie.
Le 25, les Allemands font jouer contre B4 un camouflet
qui ne trouble aucunemeny notre travail.
Dans la nuit du 31 mars au 1er avril, ils sont au contact
de notre galerie B1 qui a été remise en état après
leur camouflet du 10 mars. Nous dirigeons contre eux une charge de cheddite
de 300 kg, au moment où ils se hâtent d'achever leur chambre
de mine. Elle détruit une partie de leur parallèle de départ,
un petit poste et un abris couvert en rondins.
Le 13 avril, ils font exploser contre B3 et B4 un gros
camouflet qui ne produit pas de dégâts de notre côté.
Dans la nuit du 14 au 15, on entend de l'extrémité
de B3, les opérations de chargement d'un fourneau. On prépare
immédiatement, sous 5 mètres l.m.r., une contremine de 175
kg de cheddite à laquelle on met le feu le 15 au matin. Elle provoque
un énorme entonnoir, très allongé qui mord largement
sur leur parallèle de départ et détruit un petit
poste dont deux occupants sont projetés enl'air. Les dégâts
matériels étant disproportionnés à la charge
adoptée, il est certain que notre explosion a provoqué celle
du fourneau ennemi. Il a dû en résulter de nombreuses victimes
parmi les pionniers car, pour un tel chargement, on emploie généralement,
dans la galerie une équipe de dix à douze hommes.
Une accalmie relative se produit jusqu'au 24 à
midi. A ce moment, les Allemands se livrent à un bombardement intense
et prolongé avec des minenwerfer lourds (canons de tranchée
lançant des bombes de 50 à 100 kg) sur les entrées
des galeries B, à l'issue duquel tout le terrain paraît nivelé.
Mais ces entrées avaient été solidement blindées
ainsi que les tranchées d'où elles débouchent, de
sorte que, tout en étant fortement ébranlées, elles
ne sont pas détruites. Dès la fin du bombardement, nous
commençons leur remise en état.
Je demande que des tirs de représailles soient
effectués sur certaines parties des lignes allemandes que je désigne.
mais comme nous ne disposons pas d'engins de tranchées suffisamment
puissants, ils se réduisent à un bombardement qui est lion
d'avoir la même efficacité, en raison de difficultés
de réglage du tir qui résulte du rapprochement des tranchées
adverses.
Le 25, grosses explosion allemande en face des galeries
B qui ne produit aucun effet sur elles. C'est le dernier fourneau ennemi
dans cette région.
Dès le 28 avril, B4 est rétablie, les trois
autres galeries le sont le 3 mai.
Le 13, nous faisons exploser en B4 qui atteint 28 mètres
de longueur, un fourneau de 400 kg de cheddite sous 6 mètres de
l.m.r. ; il détruit 20 mètres environ de la parallèle
de départ en ensevelissant ses occupants.
Le 21, des coups de pics ayant été perçus
très près de la tête de B1, nous y produisons une
explosion de 330 kg e cheddite sous 7 mètres de l.m.r. qui achève
la destruction des galeries de mines et de la parallèle de départ
allemandes.
Ainsi est réduite à néant la tentative
faite par Von Mudra de s'emparer de la cote 263 par une attaque enveloppante
s'appuyant sur des explosions de mines. Nous avons obtenu ce résultat
après quatre mois d'efforts soutenus de jour et de nuit, sans avoir
subi dans ce secteur, du fait de la guerre souterraine, aucune perte humaine.
DEROULEMENT DE LA GUERRE DE MINES APRES
APRES NOTRE ATTAQUE SURPRISE DE FEVRIER.
Après nos quatre explosions de février,
la guerre de mines a gagné toute l'étendue du front, en
englobant la manoeuvre manquée de Von Mudra que nous venons de
décrire et elle s'est poursuivie jusqu'au 13 juillet, date à
laquelle le déclenchement d'une puissante attaque allemande y a
mis fin. Elle a été particulièrement violente autour
du "saillant 263" (galeries du groupe C) dont les pionniers
ont cherché à s'emparer avec une opiniâtreté
qui n'a pas été couronnée de succès.
Le récit de toutes opérations dont nos
galeries de mines, autres que celles du groupe B, ont été
l'objet, déborderait le cadre du présent article. Mais,
pour en faire ressortir le caractère particulier, j'en citerai
quelques exemples typiques.
Le 11 mars, par une explosion produite à 17h30,
en tête de la galerie C1, en terrain rocheux, nous détruisons
un petit poste allemand. Dans la nuit du 21 au 22, un sapeur qui travaillait
au déblaiement de cette galerie pour la remettre en état,
avait ordre, en raison de la proximité de l'ennemi, de la dégager
avec précaution, à la main et à la pince de mineur,
des pierres qui l'encombraient. Vers 5 heures, s'apercevant qu'il va déboucher
dans une galerie partant du petit poste qui avait été rétabli
après notre explosion du 11, il remet doucement en place les derniers
blocs enlevés
Prévenu, je me rends aussitôt en tête
de C1 ; je distingue nettement la présence d'Allemands à
travers les insterstices des pierres et j'entends un bruit de conversation.
Je donne l'ordre d'obstruer la paroi avec deux rangs de grosses pierres,
de plaquer contre le mur ainsi obtenu un masque en bois (plateau épais
de madriers qui sert à maintenir le bourrage à ses extrémités)
et, derrière celui-ci, une charge de 50 kg de cheddite, épaulée
par un bourrage en sacs à terre, terminé par un second masque,
soigneusement étayé. Le travail étant terminé
à 14 heures, le feu est mis à 14h20, après entente
avec le colonel commandant le 131ème Régiment d'Infanterie
qui occupe le secteur. Des quatre boucliers du petit poste, visibles avant
l'explosion, un seul, dont on aperçoit plus que la partie supérieure,
est encore debout.
Le 23, les Allemands que l'on entendait depuis plusieurs
jours en avant de la galerie C0 et que l'on jugeait trop éloignés
pour qu'il y ait lieu de s'en préoccuper, provoquent à 14
heures une explosion qui ne produit aucun effet sur notre galerie et ses
mineurs. Immédiatement après j'y fait charger un fourneau
de 150 kg de cheddite qui saute le lendemain matin au-dessous du petit
poste qu'ils viennent d'établir sur la lèvre de leur entonnoir
de la veille.
Ce même jour ils font partir un camouflet contre
la galerie C7 qui n'est pas touchée.
Le 27 à 8h45, ils font exploser une mine contre
la galerie C3 ; celle-ci reste intacte et les hommes de tête ne
sont pas atteints, mais leur travail doit être interrompu pendant
plusieurs heures pour permettre l'évacuation des gaz. Alors se
renouvelle notre riposte du 24 contre C0: nous faisons sauter, le 30 à
15h30, leur petit poste établi sur la lèvre de leur entonnoir.
Même jeu sur la galerie C5, visée par un
fourneau allemand qui explose le 29 à 9h15. Le choc, qui vient
d'en haut, provoque un léger éboulement du ciel (plafond
de la galerie), sur une longueur de 3 mètres environ. Un auxiliaire
d'infanterie qui travaille en tête est légèrement
blessé. Nous le déblayons dès le soir même.
Comme les Allemands ont occupé l'entonnoir qu'ils viennent de produire,
juste au-dessus de l'extrémité de notre galerie, nous y
chargeons le lendemain un fourneau de
120 kg de cheddite qui explose le matin du 31 mars, alors que leurs créneaux
sont occupés et que leurs mineurs sont au travail.
Le petit poste, ainsi que l'amorce d'une sape qui en
partait sont détruits, et l'un de leurs occupants est projeté
à grande hauteur. En même temps, toute la pointe du saillant
est débarassé d'ouvrages qui devaient être très
importants car on peu voir un grand nombre de rondins émerger au
mileiu d'un enchevêtrement d'arbres abattus et de racines.
Il faut croire que l'effet de ce fourneau a été
considérable car, après l'explosion, les occupants de la
tranchée voisine nous envoient, en français, une bordée
d'injures: "Bandits, bande de brutes, assassins, c'est pas des choses
à faire !".
Les Allemands ne réussissent pas non plus dans
l'explosion qu'ils dirigent le 29 mars contre la galerie C6 qui n'est
pas touchée, mais ils ne commettent pas cette fois l'imprudence
d'occuper leur entonnoir.
Le 2 mai, ils font éclater une mine à droite
de P2 qui subit un léger éboulement en tête, sans
qu'il y ait de victime. A ce moment, cette galerie est arrivée
juste au-dessous d'un petit poste ennemi et nous attendons le moment propice
pour la faire sauter. Jusqu'au 11, aucun bruit souterrain, mais ce jour-là
et le lendemain, nous entendons les Allemands travailler légèrement
à notre gauche. Le 12 à midi, nous estimons qu'ils sont
arrivés à 7 mètres environ de notre tranchée
qui se trouve ainsi sérieusement menacée. Aussi, je donne
l'ordre de charger un fourneau de 180 kg de cheddite, charge maximale,
claculée pour ne pas l'endommager.
Dans la matinée du 13, après que le fourneau
aût été amorcé, j'alerte fantassins et sapeurs,
en les prévenant qu'ils vont assister à un beau feu d'artifice
et fais évacuer une portion de tranchée de part et d'autre
de l'entrée de la galerie.
Tous les créneaux allemands sont occupés
et les pionniers au travail dans leur galerie, lorsqu'à 11h15 je
donne l'ordre de mise de feu. Une grosse gerbe de terre et de flammes
se produit au milieu de laquelle on distingue le corps d'un soldat projeté
verticalement, bien au-dessus d'elle. En retombant, il reste suspendu
par un pied à la fourche d'un chêne déchiqueté
et s'y balance comme à un gibet. Deux Allemands se précipitent
vers l'arbre pour l'abattre à la scie. Les ayant aperçs
au périscope, l'interdis de tirer sur ces hommes courageux. Il
peuvent ainsi accomplir leur pieuse besogne en quelques minutes et emporter
le corps de leur camarade sans être inquiétés. Deux
autres cadavres gisent sur le sol.
QUELQUES VUES D'ENSEMBLE
Pendant cette lutte qui a duré six mois, une centaine
d'explosions ont été échangées - 56 françaises
ayant consommé
10.000 kg de cheddite et 45 allemandes - Avec le temps, les charges et
les profondeurs des fourneaux ont progressivement augmenté, de
sorte qu'en juin et juillet il s'en produit de 500 à 600 kg, jouant
sous 10 à 12 mètres de ligne de moindre résistance.
Dès l'ouverture des hostilités souterraines,
nous avons pris l'ascendant sur les pionniers et notre supériorité
n'a pas cessé de s'affirmer jusqu'à la fin. C'est la raison
pour laquelle nos pertes, du fait de la guerre de mines seule, se sont
soldées en tout et pour tout par 6 tués et 2 blessés.
Il n'en est pas de même chez nos ennemis, à en juger par
les coups durs dont nous avons pu observer les effets.
Par contre, beaucoup de nos sapeurs ont été
intoxiqués, plus ou moins fortement, par les gaz envahissant les
galeries. Mais le nombre des évacués parmi eux a été
limité car l'aide-major Albert Brousseau, attaché à
la compagnie, avait constitué à proximité du front,
au Neufour, une infirmerie de campagne où les intoxiqués
légers étaient soignés et grâce à laquelle
nos effectifs ont pu constamment être maintenus à un niveau
suffisant.
J'attribue une bonne part de notre succès à
la déficience du service des écoutes des pionniers qui nous
a généralement situés beaucoup plus près de
leurs têtes de galeries que nous ne l'étions réellement.
L'admirable esprit de sacrifice de nos officiers, particulièrement
les lieutenants et sous-lieutenants Pouille, Réviron et Régaud,
de nos sous-officiers et de nos sapeurs qui n'ont ménagé
ni leur vie ni leur peine, nous a permis d'exploiter à fond cette
déficience en donnant à notre propre système d'écoutes
toute l'efficacité dont il était capable.
Un autre élément favorable a été
pour nous, le concours de l'Infanterie qui a mis journellement à
ma disposition pour le sevrice des galeries de mines et l'exécution
des travaux de fortification de campagne, un effectif de trvailleurs auxiliaires
double ou triple de celui des sapeurs. A l'instigation du colonel Ferru,
commandant la 17ème Brigade, leurs chefs avaient compris, qu'en
m'apportant leur concours, ils contribuaient à défendre
leur propre existence. Ils en ont été récompensés
car leur ligne a été maintenue intégralement, sans
qu'ils aient jamais connu la hantise de "sauter" par surprise
et cela, au prix modique de 2 auxiliaires tués, 1 auxiliaire blessé
et 2 guetteurs tués par la retombée d'une explosion.
Nos opérations de mines ont été
fréquemment troublées ou interrompues par les attaques d'infanterie
que j'ai déjà mentionnées. pour appuyer chacune des
nôtres, je constituais des groupes de combat, chargés de
missions techniques, accompagnant les troupes d'assaut. Il en résultait
une désorganisation de notre défense souterraine et des
pertes importantes qui affaiblissaient nos effectifs déjà
fortement réduits par la maladie. Mais nos grosses pertes proviennent
surtout des attaques allemandes des 8-10 janvier et 13-20 juillet. de
l'une à l'autre incluse, nous avons eu, en tout, 2 sous-lieutenant,
1 adjudant, 11 sergents, 4 caporaux, 73 maîtres-ouvriers et sapeurs
tués ou disparus, 5 sergents, 3 caporaux, 20 maîtres-ouvriers
et sapeurs blessés.
Les quelques victimes de la guerre de mines que nous
avons dénombrées ci-dessus comptent pour bien peu dans ce
total.
L'ATTAQUE ALLEMANDE DES 13-20 JUILLET
Le général Von Mudra, devançant
une offensive que le général Sarrail, commandant la IIIème
Armée, avait préparée pour le 14, déclenche
le 13, sur tout le front de l'Argonne orientale, une attaque comportant
l'emploi de gaz toxiques, plus puissante encore que celle de janvier.
Ses objectifs sont: la cote 263, la cote 285 et la crête de la Fille-Morte
qui fait suite à cette dernière vers l'ouest.
Ses troupes s'emparent le premier jour de nos ouvrages
de la cote 263, à l'exception du "réduit" que
les Allemands appellent la "poche du chasseur". Tourné
vers le sud, le 14, soumis les 15 et 17 à de furieux assauts, cet
ouvrage n'est pris que le 20, à la suite d'un bombardement de deux
heures, effectué par de nombreux minenwerfer lourds. Son héroïque
défense par un bataillon du 4ème Régiment d'Infanterie,
puis, par un autre du 82ème qui l'avait relevé, a beaucoup
étonné les Allemands au point que le Kronprinz, commandant
la Vème Armée, vint se faire expliquer, sur place, les détails
du combat. Ce réduit faisait partie des défenses que j'avais
organisées sur la croupe, à l'arrière de notre première
ligne. Implanté en grande partie à contre-pente, il échappait
aux vues directes de l'ennemi qui semble en avoir ignoré l'existence.
Complètement entouré de tranchées protégées
par des défenses accessoires, il comprenait de nombreux abris,
soit entièrement souterrains, soit enterrés avec recouvrement
de dalles en béton armé. Sa face sud-est dominait le ravin
de Cheppe que nos troupes occupaient et d'où elles pouvaient, éventuellement,
lancer des contre-attaques.
La reconnaissance faite, le 19, par le sous-lieutenant
Réviron, de la compagnie 5/4, avec croquis à l'appui, montre
que les Français occupent encore, ce jour-là, tout le réduit
sauf une partie de son front sud où les Allemands ont pris pied.
Ceux-ci ont raccordé l'extrémité est de la portion
de tranchée conquise au boyau français dit de "grande
communication", dirigé sud-ouest - nord-est, qu'ils ont organisé
défensivement. Sur toutes les autres faces du réduit, les
tranchées adverses sont restées telles qu'elles étaient
avant l'attaque du 13 juillet.
Cette situation indique nettement que les Allemands ont
conduit cette dernière de façon à envelopper nos
positions de la cote 263, en exécutant, à partir du ravin
d'Osson, la manoeuvre qu'ils avaient entreprise, dès le milieu
de janvier, par les procédés de la guerre de siège
et que la compagnie 5/4 a fait échouer, en la bloquant au moyen
des galeries du groupe B. Par suite, l'implantation du réduit qui
avait été conçue pour parer à la première
attaque, convenait parfaitement à la parade de la seconde.
DEFENSE DE LA COTE 285 ET DE LA FILLE
MORTE
(Septembre 1915-septembre 1916)
Lors de son attaque des 13-20 juillet 1915, par laquelle
il s'était rendu maître de toute la cote 263, le XVIèmeCorps
d'Armée Allemand n'avait pas atteint tous ses objectifs.
Aussi, le 27 septembre reprend-t-il ses opérations
offensives, en lançant deux groupes d'attaque: le premier, à
travers la croupe de Bolante, progresse sans grande difficulté
jusqu'à la crête de la Fille-Morte ; le second, dirigé
sur la cote 285, se heurte à des positions solidement défendues
par le 4ème Régiment d'Infanterie. Il gagne peu de terrain,
suffisamment cependant pour prendre pied sur une grande partie de l'arête
qui descend vers la Haute-Chevauchée, ce qui lui donne des vues
sur nos arrières. mais il est arrêté à quelques
dizaines de mètres au nord du sommet qu'il n'a pas pu conquérir.
Une reprise de l'attaque au cours de la nuit suivante
et de la journée du 28, n'obtient aucun succès. ce sera
la dernière attaque d'infanterie, de sorte que toute l'activité
du secteur va désormais se concentrer sur la guerre de mines.
A la cote 263, celle-ci avait été conduite
avec des moyens primitifs: éclairage à al bougie et à
la "lampe tempête", attaque du terrain au pic de mineur,
ventilation, remontée des déblais, pompages, mouvements
de matériel etde matériaux, effectués à bras.
Après avoir expérimenté, au cours
du deuxième trimestre, des engins électriques et pneumatiques,
nous avons reçu un certain nombre de ceux dont nous avions choisi
les modèles, de sorte qu'en commençant les travaux de la
cote 285, nous étions dotés de groupes électrogènes
et de compresseurs d'air suffisamment puissants pour éclairer toutes
nos galeries à l'électricité, actionner pompes, ventilateurs
et treuils, marteaux piqueurs et perforateurs.
Les Allemands nous avaient devancés dans cette
voie de la mécanisation, car dès le moi de mai, nous relevions
le nombre impressionnant de pétardements (petites explosions faites
sur le front d'attaque des galeries, en y plaçant dans des trous
pratiqués à la tarière électrique, ou à
la main, ou bien au marteau perforateur) qu'ils effectuaient de jour et
de nuit, près de la Haute-Chevauchée accusant leur intense
activité.
A) PERIODE DU 1er OCTOBRE AU 31 DECEMBRE 1915
J'avais été détaché, du 1er
au 30 septembre, à l'état-major du Génie de la Vème
Armée, mais je m'étais efforcé de conserver le contact
avec la 9ème Division, en effectuant quelques visites au front.
A mon retour, le 1er octobre, le commandant Parison me
confie officieusement la direction de la guerre de mines du secteur de
la Division qui occupe la cote 285 et la Fille-Morte.
A cet effet, il met à ma disposition, en outre
de la compagnie 5/4, la compagnie 5/52 qui vient d'être créée
en dédoublement de la compagnie 5/2 et la compagnie 14/14, affectée
à la Fille-Morte.
Je réserve à la compagnie 5/4 la défense
du sommet de la cote 285 où je m'attends à subir le principal
effort ennemi et dispose à sa droite la compagnie 5/52, sur un
front actif de longueur réduite. Sur sa gauche, la compagnie 5/4
s'étend jusqu'au delà de la Haute-Chevauchée où
elle rejoint la compagnie 14/14.
L'occupation par les Allemands de la plus grande partie
de l'arête ouest de la cote 285 étant des plus gênantes
pour l'organisation et la défense de nos positions, je me propose,
comme premier objectif, d'y mettre fin. A cet effet, j'envisage de faire
exploser au delà de cette arête une série de fourneaux
espacés d'une vingtaine de mètres et surchargés (fourneaux
ayant reçu une charge assez forte pour produire des entonnoirs
d'un diamètre au moins deux fois plus grand que leur l.m.r.), de
façon à constituer un vaste fossé d'entonnoirs de
200 mètres de longueur, dont nos troupes occuperaient la lèvre
sud, dominant la lèvre nord, en raison de la pente du terrain.
Etant donné la position purement défensive
adoptée désormais par le Corps d'Armée, ce fossé
permettrait de constituer une défense efficace de nos lignes contre
une éventuelle agression ennemie.
Cette opération présentait à mes
yeux un autre avantage, également capital: elle obligerait les
pionniers à reculer les entrées de leurs galeries les plus
avancées, ce qui aurait pour effet de porter au delà de
l'arête, les explosions de la plupart des mines futures, de sorte
que les masses énormes de terre projetées retomberaient,
en majeure partie, sur les tranchées allemandes, en y occasionnant
des dégâts matériels et pertes humaines.
Je réalise ce projet en effectuant du 15 octobre
au 29 décembre une douzaine d'explosions à l'extrémité
de galeries comprises entre D24 (près de la Haute-Chevauchée)
et A7bis (au nord-ouest de la cote 285), partant du fond de puits de 10
mètres de profondeur environ. leurs fourneaux dont les charges
varient de 900 à 2000 kg jouent sous des l.m.r. de 12 à
20 mètres.
Pendant cette période, des explosions ont été
échangées à l'est du sommet de la cote 285, sans
qu'elles aient apporté de modifications dans les lignes adverses.
Sur la crête de la Fille-Morte les positions françaises
et allemandes sont situées sensiblement au même niveau, sauf
à l'extrémité ouest où les Allemands occupent
le sommet dit "09" dont, en 1915, il n'est pas question de chercher
à s'emparer. aussi la lutte qui a simplement pour objet, de part
et d'autre, le maintien de la situation, ne revêt-elle pas le même
caractère d'intensité qu'à la cote 285, à
l'exception des abords immédiats de la Haute-Chevauchée.
Là nous faisons jouer, le 10 novembre, en D26, un fourneau de 3500
kg de cheddite sous 20 mètres de l.m.r., qui a pour effet de détruire
plusieurs galeries allemandes et un saillant dangereux pour notre défense.
En résumé, l'année 1915 s'achève
pour les apeurs sur un beau succès dont bénéficie
la Division toute entière. Trois mois auparavant, les Allemands
occupaient sur l'arête ouest de la cote 285, une position qui leur
donnait des vues sur toute notre organisation. Maintenant, les situations
sont inversées. Nos troupes se sont installées, comme prévu,
sur la lèvre sud de la ligne d'entonnoirs, dominant la lèvre
nord, sur laquelle des Allemands ont été refoulés.
De plus, un large et profond fossé qu'elles pourront garnir de
défenses accessoires les met à l'abri des coups de mains.
Les pionniers, sans doute surpris par la rapidité
de notre manoeuvre, ont réagi d'une façon désordonnée
en endommageant à plusieurs reprises leurs propres ouvrages, alors
qu'ils ne nous ont causé que peu de dégâts matériels
et seulement la perte de 1 caporal et 5 sapeurs tués par des explosions
de mines.
Ce succès, obtenu à peu de frais, est à
mettre en regard des nombreuses opérations d'infanterie, entreprises
par la 9ème Division au cours du 1er semestre de l'année.
Conduites sans répondre à un but tactique intéressant,
elles ont toutes échoué avec des pertes se chiffrant par
plusieurs centaines de tués et de blessés.
Adoption d'un nouveau système de galeries:
Depuis le mois d'octobre, la question qui me préoccupe
par dessus tout est l'organisation de la défense souterraine, à
échéance lointaine, de la cote 285.
Selon les procédés classiques de la guerre
de siège, je dois m'attendre à ce que les Allemands dirigent
contre elle une ou plusieurs attaques très profondes, partant d'une
distance plus ou moins grande en arrière de leur première
ligne. Pour y parer, j'envisage d'établir le plus en avant possible
du sommet, un barrage souterrain à une profondeur de 30 à
35 mètres, ou plus, suivant les circonstances.
Or, le système de mines existant ne nous donne
pas la possibilité d'atteindre cet objectif. Débouchant
de puits implantés dans la première ligne, il est, en effet,
très vulnérable et incommode et ne permet pas de descendre,
avec de multiples sujétions, du reste, à beaucoup plus de
20 mètres.
C'est pourquoi j'envisage la construction d'un nouveau
réseau constitué par des "demi-galeries" disposées
en éventail de part et d'autre du sommet, distantes de 25 mètres
environ les unes des autres. Leurs entrées seront situées
à une vingtaine de mètres, au moins, de la première
ligne, ce qui les mettra à l'abri des effets des explosions et
elles prolongeront, directement dans le terrain, avec une forte pente
voisine de 45°. d'une section de 1 x 1,50 m elles seront suffisamment
spacieuses pour recevoir une voie de 0,40 m, destinée à
l'évacuation des déblais ainsi qu'au transport des matériaux
et des explosifs. leur ensemble sera protégé par l'ancien
réseau des galeries, placées au-dessus d'elles à
différents niveaux.
L'exécution de ce projet, qui a fait l'objet d'un
plan en date du 28 décembre 1915, sera entreprise dès les
premiers jours de janvier 1916.
Des dispositions analogies sont envisagées pour
la Fille-Morte, mais avec un réseau beaucoup plus lâche de
galeries profondes, lancées seulement aux endroits qui nous paraissent
les plus vulnérables.
B) PERIODE DU 1er JANVIER AU 8 SEPTEMBRE 1916
Le 5 janvier, la compagnie 5/4 est envoyée au
repos pendant deux semaines à Passavant et je suis désigné
pour partir avec elle. Elle est remplacée par la compagnie 14/14
qui, elle-même, fait face, à la Fille-Morte, à la
compagnie 5/2. Elle revient en ligne, le 20 janvier, en reprenant près
des deux tiers de son ancien secteur (partie Est), le reste étant
laissé à la compagnie 14/14 qui se resserre sur sa gauche.
Jusque là, mes fonction dans la conduite de la
guerre de mines, dont j'avais la charge officieuse, n'avaient pas été
nettement définies. Par ordre du 19 janvier, le général
Arlabosse commandant la Division, met fin à cette situation ambigüe,
en me confiant officiellement la direction à titre d'adjoint au
chef de bataillon du Génie, ce que le général Hallouin,
commandant le 5ème Corps, confirmera un peu plus tard en m'attribuant
une autonomie presque complète.
La compagnie 5/2 passe de ce fait sous mon commandement
qui comporte désormais quatre compagnies, les compagnies 5/4, 5/52,
14/14, et 5/2.
Ainsi, j'affecte trois compagnies sur quatre à
la défense du sous-secteur "cote 285, Haute Chevauchée",
sur un front actif de 600 mètres environ, alors que la compagnie
5/2 occupe à elle seule toute la crête de la Fille-Morte
sur un front sensiblement plus étendu. C'est que j'estime que la
poussée des Allemands va se faire de plus en plus pressante sur
le premier sous-secteur, alors qu'ils me paraissent n'avoir aucune raison
de progresser sur le second.
Il n'y a maintenant plus possibilité de manoeuvrer
autrement qu'en profondeur. Aussi, entre les pionniers et nous, s'engage
une coure de vitesse pour gagner le dessous du terrain. Je sens leur résistance
se raidir de jour en jour, ce que confirme le nombre de leurs pétardements
qui se multiplient d'une inquiétante façon. D'autre part,
dotés d'une quantité impressionnante de minenwerfer, qui
possèdent sur nos engins de tranchée une énorme supériorité
de puissance, ils nous accablent journellement, particulièrement
dans le sous-secteur "cote 285-Haute Chevauchée", par
leurs bombardements qui nous causent des pertes, bouleversent nos installations,
gênent le service, coupent nos câbles électriques et
nos canalisations d'air comprimé et, par suite, perturbent notre
ventilation en augmentant le nombre des intoxiqués et en provoquant
l'envahissement par les eaux de certaines de nos galeries. Il en résulte
que nos effectifs fondent à vue d'oeil et que nos avancements souterrains
sont dangereusement ralentis. Aussi, dès le 2 mars, j'adresse à
l'autorité supérieure un rapport en vue d'obtenir le renfort
d'une compagnie et du matériel supplémentaire. Après
avoir, à plusieurs reprises renouvelé ma demande je reçois,
enfin, satisfaction en ce qui concerne le personnel, par l'arrivée,
le 20 juin, de la compagnie 15/13.
Il ne peut pas être question de lui attribuer,
pour l'instant, un secteur propre, en raison de son inexpérience
de la guerre souterraine et de la violence de la lutte. C'est pourquoi
j'affecte un de ses pelotons à la compagnie 14/14, l'autre à
la compagnie 5/
.En même temps, m'arrivent les deux premières
sections de la compagnie/ qui s'est illustrée aux Eparges sous
les ordres du capitaine Günter. celui-ci ne tarde pas à les
rejoindre avec les deux autres sections. Sa compagnie a pour mission spéciale
d'entreprendre l'attaque de la hauteur 09, dont, selon les prescriptions
du Commandement supérieur, j'ai préparé le projet.
Je dispose donc, maintenant, de six compagnies.
La lutte se poursuit à des profondeurs croissantes,
avec des charges de plus en plus fortes, ce qui n'empêche pas l'emploi
de camouflets, faiblement chargés, jouant à faible profondeur,
tel celui du 24 août, de 150 kg, sous 8 mètres de l.m.r.
car il est nécessaire de surveiller le terrain à toute hauteur.
Vers la fin août, nous apprenons que nous allons
être relevés, en même temps que le 5ème Corps
et, dans les premiers jours de septembre, nous passons méthodiquement
le service à nos successeurs qui prennent définitivement
notre place le 8. Les compagnies 16/51 et 16/4 ont relevé respectivement
les compagnies 5/52 et 5/4 ; les compagnies 14/14 et 15/13 sont maintenues
en place, la compagnie 16/1 remplace la compagnie 5/2 sur la Fille-Morte
et la compagnie 14/15 poursuit l'attaque de 09.
Défense de la partie la plus violemment attaquée
de l'arête de 285:
Il ne m'a pas été possible de présenter
en quelques pages le résumé des opérations qui se
sont déroulées sur tout le front depuis le 1er janvier 1916,
mais pour montrer leur caractère spécifique, j'expose ci-après
comment nous avons défendu la partie la plus violemment attaquée
de notre ligne et qui se situe sur l'arête ouest de la cote 285,
non loin du sommet, entre les galeries D20 et A15.
Pendant que la compagnie 5/4 était au repos à
Passavant, les pionniers réussissaient, le 12 janvier, par un coup
de surprise, à produire une double explosion qui avait donné
lieu à un énorme entonnoir elliptique de 50 x 30 m, détruit
les galeries D21, D7 et A1ter et comblé l'entrée de A7bis
ainsi que la portion de tranchée correspondante à ces galeries.
A mon retour, le 20, mon premier soin est de rechercher,
en vue de les détruire, les galeries allemandes qu'on savait encadrer
la brèche. J'y parviens au moyen de deux explosions. L'une a lieu
le 25, à l'extrémité de A15, avec une charge de 2500
kg sous 14,50 m. Cette double explosion provoque un entonnoir elliptique
de 35 mètres de longueur qui détruit, en outre des galeries
visées, une trentaine de mètres de tranchée ennemie.
un groupe "important" de soldats allemands se dirigeant vers
l'entonnoir est fauché par une mitrailleuse du 82ème Régiment
d'Infanterie. Les pétardements, qui s'étaient multipliés
du 20 au 26 ne se reproduisent plus.
Simultanément, je me préoccupe de remplacer
nos galeries détruites par des galeries du nouveau système
arrière. A cet effet, je fais foncer rapidement la galerie 02 qui
me paraît être la plus urgente, puis trois semaines après,
ouvrir la galerie 013 et un mois et demi plus tard, la galerie 018. Rappelons
que, du type demi-galerie, elles sont fortement inclinées - à
45° environ - pour gagner au plus vite de la profondeur.
Le 2 mai, les galeries 02 et 013 ont atteint, en plan,
l'aplomb du grand axe est-ouest de l'entonnoir du 12 janvier, à
une profondeur de 35 mètres pour la première et de 28 mètres
pour la seconde. Une galerie allemande s'avançant à mi-distance
des têtes de ces deux galeries avait été repérée
depuis quelques jours sensiblement au même niveau que celle de 02,
mais nous l'avions jugé trop éloignée pour qu'il
soit indiqué de l'arrêter par une mine. Or, ce jour-là,
les pionniers y font exploser un gros camouflet maximum (camouflet qui
disloque tout le terrain compris entre la charge et le sol) dont nous
estimons la charge à 10 tonnes environ. Il comble à peu
près l'entonnoir du 12 janvier dont il remonte le fond, détruit
ou endommage gravement toutes les galeries, tant allemandes que françaises
se trouvant comprises à l'intérieur d'une calotte sphérique
de 35 mètres de rayon, autour du centre de gravité de la
charge ce qui les réduit toutes à l'impuissance pour une
durée de plusieurs semaines. De plus, il nous cause la perte de
9 tués et de 4 blessés. C'ets le seul coup dur que nous
avons essuyé au cours de nos vingt mois de guerre de mines, car,
par suite d'un heureux concours de circonstances, l'explosion du 12 janvier
n'avait pas fait de victimes chez nous..
Les entrées des trois galeries avaient été
portées suffisamment en arrière pour n'être pas touchées,
de sorte qu'après l'explosion nous n'avons qu'à reprendre
nos avancements aux extrémités de leurs parties demeurées
intactes, exactement comme les pionniers ont dû le faire de leur
côté.
Le 30 juin, la galerie 02, arrivée à 27,50m
de profondeur, est visée par l'explosion d'un gros fourneau allemand
qui produit un profond entonnoir occupant la pmoitié ouest de celui
du 12 janvier. Les galeries des deux camps sont, de ce fait, à
nouveau annihilées dans un rayon d'au moins 25 mètres auour
du centre du fourneau qui vient d'éclater.
Le 21 juin, on avait, par un camouflet de 1200 kg de
dynamité placé en tête de 018 sous 31 mètres
de l.m.r., détruit une chambre de mines de grandes dimensions,
ce qui vait empêché les Allemands de renouveler, en face
des galeries 02 et 013, le doublé qu'ils avaient réussi
le 12 janvier.
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